La simulation d'attaques n'est plus réservée aux équipes rouges (red teams) opérant dans l'ombre ni aux exercices destructeurs qui paralysent les opérations. Le purple teaming — cette collaboration structurée entre équipes offensives et défensives — est devenu pour moi un levier pragmatique pour améliorer la posture de sécurité tout en maintenant la continuité du business. Dans cet article, je partage comment je conçois, planifie et exécute des campagnes de purple teaming pour générer des gains mesurables, réduire les risques et préserver la disponibilité des services.
Pourquoi le purple teaming change la donne
Dans beaucoup d'organisations, les exercices d'intrusion sont vus comme des audits ponctuels : on identifie des failles, on rédige un rapport et on espère que les correctifs seront appliqués. Le problème est qu'il y a souvent un écart entre découverte et action — et que les équipes défensives n'apprennent pas en temps réel comment les attaques réussissent.
Le purple teaming vise à combler cet écart. Au lieu de jouer chacun dans son coin, l'équipe offensive simule des techniques (souvent basées sur des frameworks comme MITRE ATT&CK) et l'équipe défensive observe, ajuste ses règles, ses playbooks et ses procédures en direct. Le résultat : apprentissage accéléré, détection améliorée et remédiation plus rapide — sans sacrifier la production.
Principes clefs pour ne pas interrompre le business
Pour que ces exercices restent compatibles avec les contraintes opérationnelles, j'applique systématiquement quelques règles de gouvernance :
Préparation : cartographier, prioriser, définir les scénarios
Un bon exercice commence par une cartographie pragmatique des risques. Voici ma checklist de préparation :
Parfois, revenir à l'élémentaire aide : reproduire une campagne de phishing ciblée sur une population restreinte permet souvent de révéler des lacunes organisationnelles plus critiques que des vulnérabilités techniques sophistiquées.
Collaboration en direct : déroulé d'une session purple teaming
Voici le déroulé type que j'utilise pour une session productive et sans risque :
Cet enchaînement “attaquer—détecter—corriger—vérifier” sur une même session accélère la montée en compétence et réduit le délai entre découverte et correction.
Outils et ressources pratiques
Pour exécuter des exercices sûrs, je m'appuie sur un mix d'outils open source et commerciaux :
Attention toutefois à l'usage d'outils à double emploi (ex : Cobalt Strike) : ils sont puissants mais nécessitent des garde-fous stricts et un cadre légal clair.
Mesurer l'impact : KPIs et tableaux de bord
Pour convaincre les décideurs, il faut chiffrer les progrès. Je recommande ces KPIs simples et actionnables :
Un tableau de bord synthétique permet de suivre l'évolution session après session et de montrer le ROI en réduction d'exposition et en amélioration opérationnelle.
Culture et compétences : le point le plus important
Le purple teaming n'est pas juste technique : c'est un catalyseur culturel. Pour qu'il fonctionne :
Souvent, la plus grande valeur vient moins de la technique testée que de la qualité des échanges entre équipes : quand elles parlent le même langage, elles construisent des défenses plus robustes et pragmatiques.
Exemples concrets d'impact
Dans une mission récente, nous avons reproduit un mouvement latéral simple basé sur l'exploitation d'authentification Windows obsolète dans un environnement de staging. En travaillant en direct, l'équipe sécurité a mis en place une règle EDR qui détecte l'anomalie de comportement et un playbook SOAR qui isole le poste en 3 minutes. Résultat : MTTD réduit de plusieurs heures à quelques minutes dans l'environnement testé, et la règle a ensuite été déployée en production lors d'une fenêtre approuvée.
Autre cas : un exercice de phishing ciblé limité à 5% des employés a permis d'identifier une faiblesse dans l'onboarding des nouveaux arrivants. La remédiation n'était pas technique mais procédurale : un module de formation obligatoire et un contrôle d'accès mieux configuré. Le purple teaming a donc généré une action transverse à fort impact.
Ces exemples montrent que le purple teaming est un outil flexible : il détecte les défauts techniques, mais révèle aussi les frictions organisationnelles qui créent des risques.