Quand on conçoit un projet de machine learning à forte intensité compute, la facture cloud devient rapidement un sujet stratégique. J’ai vu des prototypes prometteurs enterrés non pas pour des raisons techniques, mais parce que le coût d’entraînement ou d’inférence à l’échelle était mal compris. Dans cet article je partage des approches pratiques et des choix concrets pour optimiser les dépenses sur AWS, Azure et GCP, en m’appuyant sur des retours d’expérience terrain et des patterns que j’applique avec les équipes que j’accompagne.

Comprendre où se dépensent réellement les euros/dollars

Avant toute optimisation, il faut cartographier les postes de coûts. Pour un projet ML typique, les principales sources sont :

  • instances de calcul (VM/GPUs/TPUs)
  • stockage d’objets et volumes persistants
  • réseau (transferts de données, egress)
  • services managés (ML platforms, orchestrateurs, bases de données)
  • monitoring et logs (surtout si la rétention est longue)
  • J’utilise systématiquement une session d’analyse des factures cloud (ou des exports de coûts) pour identifier les « heavy hitters ». Sur AWS, Cost Explorer; sur GCP, Billing Reports; sur Azure, Cost Management. Cela permet de prioriser les optimisations qui auront le plus d’impact.

    Choisir la bonne instance : droite performance/coût

    La sélection des instances est centrale. Voici les leviers que j’emploie :

  • Adapter la taille : on n’exécute pas tout sur une GPU A100 80GB. Pour beaucoup d'expérimentations, une V100 ou une T4 suffit.
  • Instance spot/preemptible : j’essaie systématiquement les instances spot (AWS Spot, Azure Spot, GCP Preemptible). Elles permettent des réductions de 60–90% mais imposent une résilience (checkpoints fréquents, reprise automatique).
  • Instances réservées ou Savings Plans : si la charge est prévisible, les instances réservées (1 ou 3 ans) ou les Savings Plans peuvent réduire fortement le coût. J’évalue toujours le break-even par rapport à l’utilisation prévue.
  • Types spécialisés : pour l’entraînement, les GPU sont incontournables ; pour des inférences massives, les instances CPU optimisées ou les accelerators spécifiques (TPU sur GCP) peuvent être plus coûte-effícaces selon le modèle.
  • Exemples concrets : pour du prototypage rapide je privilégie des GPU T4 ou A10 (coûts moindres) ; pour des entraînements finaux distribués j’utilise des instances spot avec sauvegardes fréquentes et un fallback sur instances à la demande.

    Architectures distribuées et parallélisation raisonnée

    Distribuer un entraînement permet de réduire le temps (et potentiellement le coût), mais mal orchestré, cela peut l’augmenter. Quelques règles :

  • fragmenter le travail en jobs optimisés (ex : hyperparam tuning via jobs parallèles plutôt que monolithiques)
  • préférer des frameworks qui gèrent efficacement la communication (Horovod, PyTorch DDP, DeepSpeed)
  • utiliser des images/container pré-construites pour accélérer le démarrage
  • prendre en compte le coût du réseau intra-cluster (cross-AZ ou cross-region augmente la facture)
  • J’ai souvent constaté que réduire le temps d’entraînement de 50% en doublant le nombre d’instances n’est pas toujours rentable — il faut calculer le coût total machine × temps et optimiser pour le coût minimal, pas le temps minimal.

    Gestion du stockage et des I/O

    Les données sont au cœur du ML. Voici mes recommandations :

  • stocker les datasets bruts sur object storage (S3, Blob Storage, GCS) et ne montez des volumes persistants que pour les opérations nécessitant un I/O bas latency
  • utiliser des formats efficaces (Parquet, TFRecords) et la compression pour réduire les coûts de stockage et de transfert
  • mettre en place une politique de cycle de vie : archivage des snapshots et des datasets anciens vers des classes froides
  • cacher localement les données les plus utilisées sur les workers pour éviter des lectures répétées depuis l’object storage
  • Un projet sur lequel j’ai travaillé a réduit sa facture de stockage de 40% en compressant les jeux de données et en archivage automatique des anciens snapshots.

    Optimisation des pipelines et orchestration

    Les jobs non optimisés tournent en boucle et gaspillent des ressources. J’insiste sur :

  • construire des pipelines reproductibles (Airflow, Kubeflow, Prefect) pour automatiser l’arrêt des ressources quand elles ne sont pas utilisées
  • lancer des environnements de dev temporaires (dev pods) et les détruire automatiquement après usage
  • limiter la rétention des logs détaillés (ou stocker ailleurs) ; le coût des logs peut surprendre
  • La mise en place de policies IaC (Terraform + tagging) aide à tracer et à responsabiliser les équipes sur l’usage des ressources.

    Inférence : serverless vs serve dédiée

    Pour l’inférence, il faut choisir entre serveurs persistants, autoscaling ou serverless :

  • Serveurs persistants : bons pour des micros services à haute performance demandant faible latence, mais coûteux quand peu d’utilisateurs
  • Autoscaling : équilibre coût/performance ; à coupler avec des instances spot si tolérant à des interruptions
  • Serverless / containers on-demand : Cloud Run, AWS Lambda (avec GPU limité) ou Azure Functions peuvent être économiques pour des charges élastiques mais attention aux cold starts et aux limites de ressources
  • Je recommande d’analyser le profil de latence et le pattern de requêtes. Pour une API d’inférence sporadique, le serverless peut réduire considérablement les coûts. Pour du trafic prévisible et constant, l’option dédiée avec optimisation est souvent meilleure.

    Utiliser les services managés avec discernement

    Les services managés (SageMaker, Vertex AI, Azure ML) accélèrent le time-to-market, réduisent la charge opérationnelle, mais ont un coût. Ma règle : si l’équipe doit se concentrer sur la valeur métier et que l’outil managé accélère de façon significative, je choisis le managé ; sinon, je préfère des clusters Kubernetes + frameworks open-source pour un contrôle et un coût potentiellement plus bas.

    Bonnes pratiques supplémentaires et outils

  • tagging rigoureux des ressources pour l’attribution des coûts
  • budgets et alertes pour éviter les surprises
  • tests de scaling et de coût avant mise en production
  • benchmarks réguliers : comparer GPU/TPU, types d’instances et configurations
  • monitoring de la consommation GPU (NVIDIA DCGM, Cloud monitoring) pour détecter sous-utilisation
  • LevierImpact potentielQuand l’utiliser
    Instances spot/preemptibleÉlevé (60–90% réduction)Entraînements tolérants aux interruptions
    Instances réservées / Savings PlansMoyen à élevéCharge stable et prévisible
    Compression & formats optimisésMoyenGros jeux de données
    Serverless pour inférenceMoyenTrafic intermittent

    Si vous démarrez un projet ML intensif, je vous propose un mini-plan d’action : analyser la facture actuelle, lancer des tests comparatifs (GPU T4 vs V100 vs A100 / TPUs), automatiser les checkpoints et les snapshots, tester les instances spot, puis couvrir la charge stable par des réservations. Enfin, monitorer et itérer — l’optimisation des coûts est un processus continu.

    Je suis disponible pour échanger des cas concrets si vous voulez que je regarde une facture ou une architecture : souvent, des gains rapides sont possibles avec quelques ajustements simples. N’hésitez pas à me contacter via Nexpod pour partager votre cas.