Choisir entre une solution SaaS ou self‑hosted pour la gestion des logs devient vite un casse‑tête quand s'ajoutent des contraintes de conformité. J'interviens souvent auprès d'équipes produit et de DSI sur ce sujet : la décision n'est rarement binaire, elle dépend d'un ensemble d'impératifs techniques, juridiques et organisationnels. Voici comment je structure le raisonnement et les critères qui m'aident à prendre — ou à recommander — une direction.
Commencer par cadrer les exigences de conformité
Avant tout, je commence par lister les règles et obligations qui s'appliquent à l'organisation et aux données traitées. Parmi les plus fréquentes :
Cette checklist de conformité détermine souvent des non‑négociables. Par exemple, si vos logs contiennent des données personnelles sensibles et que la régulation exige que les données restent dans un territoire donné, cela oriente immédiatement vers du self‑hosted ou vers un SaaS proposant explicitement l'hébergement localisé et des garanties contractuelles solides.
Contrôle des données et chiffrement
L'un des bénéfices majeurs du self‑hosted est le contrôle strict sur les clés de chiffrement et l'environnement d'exécution. Si vous devez gérer vos propres clés (customer‑managed keys) pour répondre à une exigence de non‑exposition aux équipes du fournisseur, le self‑hosted ou un SaaS offrant KMS dédié est nécessaire.
Dans certains projets, j'ai vu des équipes opter pour Elastic Stack self‑hosted parce qu'elles pouvaient intégrer leur HSM et leurs procédures de rotation des clés. À l'inverse, des versions managées comme Elastic Cloud ou Splunk Cloud proposent des options de clé client mais à des conditions contractuelles strictes.
Isolation et multi‑tenancy
Les SaaS multi‑tenant soulèvent des questions de cohabitation. Même si la plupart des acteurs sérieux assurent une isolation forte, certaines organisations préfèreront une instance dédiée ou le self‑hosted pour éviter tout risque théorique de fuite inter‑locataire.
Traçabilité, audits et preuves de conformité
Les équipes conformité demandent souvent des preuves — journaux d'accès, rotations de clés, rapports d'audit. Les SaaS matures fournissent des rapports de conformité (SOC 2, ISO 27001) et des journaux d'audit prêts à l'emploi. En self‑hosted, vous devez concevoir et produire ces éléments vous‑mêmes.
Opérationnel : coûts, équipe et SLA
La décision dépendra aussi de vos ressources. Le self‑hosted implique :
Le SaaS externalise ces opérations : gain de temps, montée en charge automatique, SLA. Mais attention aux coûts : le pricing des fournisseurs (Datadog, Splunk Cloud, Elastic Cloud, Grafana Cloud) peut exploser avec le volume de logs et la rétention. J'ai vu des startups payer cinq fois plus que prévu en trois mois à cause d'un logging trop verbeux.
Performance et scalabilité
Les volumes de logs peuvent croître très vite. Les architectures cloud managées offrent une scalabilité quasi transparente. En self‑hosted, il faut anticiper la capacité (IOPS, stockage, CPU) et automatiser l'élasticité si possible. Pensez aussi au coût d'indexation : indexer tout le flux n'est pas toujours nécessaire, la priorisation et le sampling sont des leviers à utiliser.
Intégration avec SIEM et réponse à incident
La capacité à intégrer votre solution de logs avec un SIEM, un EDR, ou un SOC est cruciale pour la conformité opérationnelle (exigences de détection et réponse). Vérifiez :
Options hybrides et patterns pratiques
Souvent, je préconise une approche hybride :
Ce pattern permet de bénéficier de la commodité du SaaS tout en respectant les exigences de conformité pour les données critiques.
Tableau de décision rapide
| Critère | SaaS recommandé | Self‑hosted recommandé |
| Data residency | Possible si fournisseur propose région dédiée | Oui, contrôle total |
| Gestion des clés | Si KMS client disponible | Oui, intégration HSM possible |
| Budget opérationnel | Prévisible OPEX, coût potentiellement élevé selon volume | CapEx + coûts internes, peut être moins cher à gros volume |
| Maintenance / compétences | Minime côté client | Exige équipes SRE/infra |
| Rapports d'audit | Fournis par fournisseur | À produire en interne |
Processus concret pour décider
Voici la démarche que j'applique systématiquement :
Clauses contractuelles et sorties
Je recommande de prêter une attention particulière à :
Lors d'un projet récent, un client a failli se retrouver coincé parce que son SaaS ne permettait pas d'exporter aisément de grandes quantités de logs compressés — une clause de sortie aurait évité le verrouillage.
Bonnes pratiques à mettre en œuvre
En somme, il n'y a pas de solution universelle. Mon approche consiste à aligner exigences réglementaires, capacité d'opération interne, et impératifs financiers. Quand la conformité impose un contrôle stricte et des preuves d'isolation, le self‑hosted ou une instance dédiée s'impose souvent. Quand la rapidité de déploiement, la résilience et la scalabilité sont prioritaires — et que le fournisseur offre des garanties contractuelles et techniques — le SaaS est un choix pragmatique. Enfin, ne sous‑estimez pas les options hybrides : elles permettent de tirer parti des forces de chaque modèle tout en respectant les contraintes critiques.